Du choc de la surdité à l'implantation cochléaire
J’ai 51 ans et le début de ma surdité se situe vers mes 25 ans, peu après la naissance de mon deuxième enfant. Les différents spécialistes que j’ai consultés à l’époque ont présumé une maladie congénitale de l’oreille interne, donc au long terme une surdité totale.
Une perte auditive rapide, fulgurante, en presque deux ans la perte en bilatéral est évaluée entre 70 et 75%.
Ce fut pour moi incompréhension, refus du handicap auditif, dépression, anorexie, et j’en passe : un parcours comme beaucoup d’autres malheureusement, le refus d’un appareillage que l’on considère appartenir au troisième âge quand on n’a que 25 ans. C’est vrai que ce n’était pas très respectueux, et c’était sans penser à tous ces jeunes qui sont malentendants ou sourds depuis leur naissance.
Il m’aura fallu plusieurs années pour accepter cette vie de sourde aux acouphènes incessants, et cesser de penser que j’étais devenue le quart de moi-même, apaiser ma révolte, m’appareiller, renouer avec la société, enfin partiellement, car nous malentendants ou sourds, évitons les situations à risque, fatigantes, éprouvantes et stressantes, comme trop de monde autour de soi à discuter, trop de bruits environnants, etc.…
C’est à cette période que je suis entrée en contact pour la première fois avec l’association « Oreille et Vie ». J’ai pu échanger avec la présidente et la vice-présidente, ainsi que des adhérentes, sur les problématiques de communication, d’appareillage, etc… Mais voilà, je n’étais pas encore prête mentalement pour m’impliquer dans l’associatif. Peut-être étais-je encore dans le déni ?? Ou avais-je peur de la surdité totale, ou de l’implantation cochléaire qui pourtant serait la seule issue pour un avenir meilleur ???
J’ai pu reprendre un travail, mais à mon domicile pour commencer. Il faut du temps pour s’habituer aux prothèses auditives. Et aussi beaucoup de temps pour parvenir aux bons réglages. Et ce n’est qu’en 2006 que j’ai demandé une Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH).
Depuis, la maladie, insidieuse, a fait son chemin. En 2020 l’oreille gauche ne percevait presque plus les sons, la droite accusant près de 90% de perte. Ceci compliquait ma vie professionnelle : étant aide-soignante, une erreur de prise en charge n’est pas excusable. Je suis revenue vers l’association Oreille et Vie pour obtenir les informations qui ne m’ont pas été données par mon ORL. L’association m’a dirigée vers le CHU de Rennes. J’ai pu avoir une consultation avec le Professeur Godey et passer les examens nécessaires. Ceci a abouti à la possibilité de mettre un implant cochléaire à gauche.
L’opération a été faite en décembre 2020 et l’activation du processeur en janvier 2021. Une nouvelle vie commence, avec bien évidemment beaucoup de contraintes sur les six premiers mois : rendez-vous réguliers pour les réglages et audiogrammes, et les rendez-vous de rééducation auditive. C’est un vrai challenge, une évolution constante. Il faut être persévérant car le cerveau, bien que doté de plasticité, a besoin de temps pour reconnaitre les sons. Au début on perçoit des « clics » ou des « bips », et là, je ne vous cache pas que j’étais sceptique…Et puis l’on avance à pas de géant. La persévérance paye. Pour exemple, sur plusieurs séances j’interprétais le cri de bébé en tintement de cloche d’église. C’est acquis depuis fort heureusement ! Quel fut mon bonheur de réentendre le chant des oiseaux, le tic-tac de la pendule, la sonnerie du micro-ondes, et tant d’autres choses oubliées qui font partie du quotidien.
Alors, pour vous qui hésitez encore, j’espère que ce témoignage vous aidera dans votre prise de décision.
- Oui, cette décision n’est pas simple à prendre, mais vous n’avez plus rien à perdre et elle changera votre vie.
- Oui l’opération et le post-opératoire sont angoissants, mais cette chirurgie est maîtrisée depuis longtemps. Il est vrai que l’on peut faire un œdème, avoir une modification du goût mais ceci est transitoire.
- Oui les contraintes sont importantes sur les premiers mois mais nécessaires pour évoluer favorablement et rapidement.
- Oui, l’implant a ses limites et ne remplacera jamais une oreille valide. Il y aura toujours des contraintes, des situations compliquées en communication et c’est là qu’il faut accepter de se faire aider, de se faire accompagner par un proche ou une association.
Je suis à l’aube de ma quatrième vie auditive ; après avoir été entendante, je suis devenue malentendante, quasi sourde en vrai, puis appareillée et enfin implantée. Cette implantation me permet de conserver mon emploi et d’avoir une vie familiale et sociale assez correcte. J’ai retrouvé de l’assurance dans mon travail même si je continue les doubles contrôles d’informations.
Depuis j’ai adhéré à l’association « Oreille et Vie » et suis même devenue l’une des administratrices.
Je tiens à remercier toutes ces personnes qui œuvrent dans les recherches de ces nouvelles technologies, merci également aux équipes médicales pluridisciplinaires qui nous accompagnent sur la totalité de notre parcours, merci aux associations qui nous guident, nous conseillent, font valoir nos droits et travaillent pour l’inclusion et la reconnaissance du handicap auditif, merci aux personnes qui expriment de l’empathie, de la compréhension et non de la pitié.
RJ